Le vieux roi. Georges Rouault, 1937. Huile sur toile, 77 x 54 cm, Carnegie Museum of Art, Pittsburgh, Pennsylvanie. (photo : Wikiart)
Hérode et le Nouveau Testament
Sylvain Campeau | 17 décembre 2018
Dans les évangiles et les Actes des apôtres, Hérode désigne trois personnages historiques différents : Hérode le Grand, son fils Antipas et son petit-fils Agrippa Ier. C’est par un choix délibéré que les évangélistes les désignent tous par le nom d’Hérode : ils sont d’une même dynastie et évoquent tous la mémoire de violences et de cruautés, des souvenirs douloureux transmis par les premières générations chrétiennes.
Hérode le Grand
Fondateur de la dynastie, Hérode le Grand est nommé roi par le Sénat en 40 av. J.-C. Considéré comme un usurpateur par plusieurs Juifs, il règne sur la Judée, la Samarie, la Galilée, l’Idumée et quelques territoires du sud de la Syrie, de 37 à 4 avant notre ère.
C’est le premier Hérode à entrer en scène dans le Nouveau Testament. Dans le récit de la Nativité de Matthieu (2,1-18), informé par un groupe de voyageurs venus d’Orient, il s’inquiète de la naissance d’un enfant à Bethléem. Les mages le considèrent comme un roi et Hérode le voit plutôt comme un concurrent à éliminer. Les évangélistes et l’historien antique Flavius Josèphe décrivent Hérode comme un tyran cruel qui n’hésite pas à tuer des innocents (voir Mt 2,16-18) ou même des membres de sa propre famille pour se maintenir au pouvoir (Antiquités juives XIV-XX).
Cette mauvaise réputation du monarque entachera, comme nous le verrons, les autres membres de la dynastie. À sa mort, son royaume est divisé et confié à trois de ses fils : Archélaos reçoit la Judée et la Samarie, Philippe le territoire au nord-est de la Galilée et Antipas la Galilée et la Transjordanie.
Hérode Antipas
Antipas est le second personnage désigné dans les évangiles sous le nom d’Hérode. Son titre officiel est tétrarque et il règne sur la Galilée au temps de Jésus (de 4 avant à 39 après J.-C.). On le rencontre d’abord dans la scène entourant la mort de Jean le Baptiste (Mc 6,17-29 ; Mt 14,3-12 ; Lc 3,19-20). Le prédicateur avait ouvertement critiqué le mariage du tétrarque avec Hérodiade, la femme de son frère Philippe. Il sera emprisonné et décapité grâce à la complicité d’Hérodiade et de sa fille Salomé.
Pendant le ministère de Jésus, nous dit Luc au chapitre 9 de son évangile, Hérode cherche à voir Jésus car il est intrigué par sa réputation (9,6-12). Dans les chapitres suivants, lors d’une discussion avec les pharisiens, dans un passage où Jésus parle, de manière voilée, de sa mort à Jérusalem (13,31-33), il désigne Antipas comme un « renard ». C’est finalement dans les événements entourant la passion que les deux hommes se rencontreront. Apprenant que Jésus est Galiléen, Ponce Pilate envoie Jésus chez Hérode (Lc 23,6-12). Espérant le voir faire des miracles, Hérode se heurte au mutisme de Jésus et renvoie le condamné à Pilate après s’être moqué de lui. Antipas n’est pas responsable de la mort de Jésus, mais dans l’esprit de l’évangéliste Luc, il est clair que le tétrarque, comme Pilate d’ailleurs, sont complices de son exécution.
Agrippa Ier
« À cette époque-là, le roi Hérode entreprit de mettre à mal certains de ceux de l’église. Il exécuta Jacques le frère de Jean par l’épée. Voyant que la chose plaisait aux juifs, il surenchérit par la capture de Pierre aussi », qu’il emprisonna en vue de le juger (Actes 12,1-3). Mais Pierre est sauvé par l’ange du Seigneur qui le libère de sa prison (12,6-11). Comme le remarque Daniel Marguerat, en utilisant un vocabulaire qui rappelle certains traits du récit de l’Exode (dans sa traduction grecque, la Septante), Luc suggère subtilement d’identifier l’attitude d’Hérode à celle de Pharaon [1]. La dernière mention d’Agrippa survient à la fin du même chapitre qui relate sa mort comme un châtiment divin : « Un ange du Seigneur le frappa pour n’avoir pas rendu gloire à Dieu, et dévoré par les vers, il expira. » (12,23)
Une même appartenance
Quand on lit le nom d’Hérode dans le Nouveau Testament, il s’agit donc de trois personnages différents appartenant à une même dynastie. De la même manière que les successeurs de Jules César ont aussi porté le titre de César, les auteurs du Nouveau Testament désignent tous les membres de la dynastie avec un même nom, Hérode, qui faisait sans doute frémir les premiers destinataires des évangiles et des Actes.
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.
[1] Daniel Marguerat, « Hérode ou la saga des rois maudits », dans Hérode ou la question du roi des Juifs, livre numérique diffusé par Le Monde de la Bible.