Jésus. L’histoire d’une Parole
Serge Bloch et Frédéric Boyer
Montréal, Novalis / Montrouge, Bayard, 2020, 297 p.
ISBN : 978-2-89688-861-0
Cet album se distingue du précédent (Bible. Les récits fondateurs, 2016) qui reprenait, sous forme graphique, 35 des plus grands récits de l’Ancien Testament. Si l’aspect graphique est maintenu, la visée est toute autre : « Nous n’avons pas voulu raconter les Évangiles ni écrire une vie de Jésus. Nous avons voulu raconter le trésor de cette Parole rapportée il y a plus de deux mille ans et la mémoire qui en a été faite. Comment nous pouvons encore aujourd’hui l’entendre, la comprendre, l’envisager. Une Parole qui n’a pas surgi de nulle part mais qui s’est construite de la fidélité à d’autres paroles, à d’autres promesses. Une figure attendue s’incarne. » (p. 9)
Malgré cette visée, le récit de cette histoire s’inspire largement des Écritures et surtout des évangiles. Mais on observe un va et vient constant entre le passé et notre présent dans lequel la Parole continue de s’incarner. La traduction des récits retenus s’écarte parfois de ce que nous avons l’habitude d’entendre ; il ne faut pas y voir une adaptation libre. L’auteur s’appuie sur les sens possibles du texte original mais cherche à dresser un portrait de Jésus compréhensible pour aujourd’hui. Par exemple, on cite l’évangile de Marc comme suit : « Ils voulaient s’emparer de lui car ils disaient il est si étonnant. » (c’est moi qui souligne ; Mc 3,21) Ou encore : « Il n’y a pas de plus grand amour que d’exposer sa vie pour ses amis. » (Jn 15,13)
L’auteur déborde parfois des récits et comble certains vides. C’est ce qu’il fait quand il parle du geste de Jésus sur le sol dans le récit de la femme adultère : « Silence. Jésus écrit lentement dans la poussière avec un doigt. Puis le vent efface les mots tracés sur le sol. Parfois, il faut effacer ce que l’on sait pour que la vie recommence entre nous, et pour que la justice nous délivre de nos erreurs. » (p. 201) L’évangile ne donne aucune explication de ce geste qui embête les commentateurs depuis longtemps. L’interprétation proposée ici est savoureuse et pleine de sens pour aujourd’hui.
Chacun des douze chapitres se termine par une courte réflexion, un genre de synthèse où l’on cite parfois des auteurs issus du judaïsme ou des penseurs et des écrivains contemporains. On y trouve des passages très lumineux comme celui-ci à la fin du chapitre sur les miracles : « Les miracles sont des béatitudes en actes. Ils révèlent paradoxalement l’humanité de Dieu. » (p. 163)
Les textes sont appuyés par les dessins de Serge Bloch aux lignes épurées, avec l’ajout de collages et des touches de couleurs primaires. Ces dessins complètent bien le récit et nous plongent parfois dans le monde de Jésus et parfois dans notre propre monde où la Parole continue de retentir. Jésus est souvent représenté avec une tache rouge. On peut y voir une annonce de la passion qui l’attend. « Ces choix sont instinctifs et même inconscients, répond le dessinateur au journal La Croix [1]. Pour moi le travail sur le rouge est ancien. C’est la première couleur, la première que l’on reconnaît enfant. »
Le premier album a fait l’objet d’une série animée. On se réjouit qu’un projet semblable est déjà disponible – Jésus. Les traits d’une Parole – autour de ce nouvel album qui nous rappelle que la Parole est toujours vivante.
Voir l’épisode 1 : L’attente
Diplômé en études bibliques (Université de Montréal), Sylvain Campeau est responsable de la rédaction.
[1] Sabine Audrerie, « Jésus, l’histoire d’une parole », de Serge Bloch et Frédéric Boyer : dessiner le Verbe, LaCroix.com ; article consulté le 18 novembre 2020.