Tête du Christ (Passion). Georges Rouault, 1937. Huile sur papier, collé sur toile, 104 x 75 cm. Musée des Beaux-Arts de Cleveland (Wikioo).
Qui est Jésus pour Matthieu? 1/6
Julienne Côté | 8 juin 2020
Découvrir Matthieu : une série de six articles où Julienne Côté propose quelques clés de lecture pour mieux apprécier cet évangile « ecclésial ». Elle propose également d’en faire une lecture continue, un exercice qui permet d’apprécier le travail littéraire de l’évangéliste, la progression du drame qui culmine, on le sait, dans l’événement de la mort-résurrection de Jésus.
Matthieu présente dans son évangile le mystère de la personne de Jésus. Il nous le dévoile sous un angle particulier, en raison de son insertion dans une communauté bien concrète de judéo-chrétiens, une communauté qui vit vraisemblablement en Syrie. Cette communauté vivante est fortement imprégnée de tradition biblique et cela colore la compréhension qu’elle a de Jésus le Christ.
Jésus, l’Enseignant
Pour elle, Jésus est le Maître par excellence, puissant en paroles et en actes. Il est l’homme de la Parole. Matthieu nous fait voir comment tout est mobilisé par cette parole, comment on est transformé par elle. Interprète des Écritures (5,17-20), tel un nouveau Moïse, Jésus donne une loi nouvelle (chapitres 5-7). Il proclame un message, fait connaître la volonté de Dieu, entraîne le peuple vers le Royaume.
Le Seigneur de la communauté
Cette communauté de croyants, aux environs des années 80, voit donc Jésus comme l’Enseignant. Mais Jésus est aussi le Seigneur élevé auprès du Père. Il est le Ressuscité qui se nomme le « Je-suis-avec-vous » : « Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (28,20)
Dans les tensions avec les Juifs qui durcissent leurs positions à l’égard des chrétiens, dans les dissensions au sein même de la communauté chrétienne, dans les difficultés à vivre leur foi, les croyants et croyantes des années 80 vivent de la présence du Seigneur, qui se tient au milieu d’eux.
Jésus est le Seigneur qu’on prie dans la tourmente : « Seigneur, au secours! Nous périssons. » (8,23) Il est celui devant qui on se prosterne pour l’adorer (28,17). N’est-il pas celui dont Dieu a dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir » (3,17)?
L’aspect de majesté qui se dégage du Jésus matthéen n’oblitère pas d’autres dimensions de sa personne. On remarque par exemple qu’il est désigné comme le Fils de l’homme. Cette expression, utilisée 30 fois par l’évangéliste, est toujours mise dans la bouche de Jésus qui ne l’emploie pas comme un titre, mais pour décrire une action, un programme : tel le geste de pardonner les péchés ou encore l’annonce de la souffrance qui l’attend, à l’horizon de sa vie (17,22).
Ces quelques traits du visage de Jésus n’épuisent pas le témoignage que l’évangéliste Matthieu rend à la personne de Jésus, Christ et Seigneur. D’autres aspects sont esquissés. Une lecture suivie de l’ensemble de l’évangile pourrait faire apparaître d’autres traits, lumineux et vivifiants. Pourquoi, en cette année liturgique, ne pas consentir à parcourir d’un trait tout l’évangile?
Membre de la Congrégation de Notre-Dame, Julienne Côté a fait ses études supérieures en théologie et en études bibliques à l’Institut catholique de Paris. Elle a écrit pour la revue Vie liturgique de 1985 à 1990 et collabore au Feuillet biblique depuis 1987.
Source : Feuillet biblique no 1477, p. 2.