(photo : ACRB)
Qu’est-ce que le récitatif biblique apporte dans ma vie?
Adèle Gauthier | 12 juin 2023
« Qu’est-ce que le récitatif biblique apporte dans ta vie? », me demande Hélène, comme ça, à brûle pourpoint, alors que je sortais de sa voiture… « Petite question, grande réponse », lui répondis-je, avec la promesse de lui répondre ultérieurement. Alors, voici ma réponse qui a mûri pendant la nuit…
Le récitatif, un art, un art de vivre
Le récitatif est un art pour moi, et comme tout art, il a son ABC… Au commencement, il y a la rencontre et dans cette rencontre, il y a le désir qui prend naissance. Une parole de Dieu au menu, mais laquelle? Et sur quel air? Et quels gestes l’accompagneront? Désir, anticipation, puis hâte de se mettre à table pour écouter et savourer cette Parole. Oui, car écouter avec ardeur la personne qui transmet, recevoir la péricope, retenir ce qui nous atteint sans se demander pourquoi… cela fait partie de la joie du récitatif. Y plonger trop abruptement risquerait de nous faire perdre les subtilités qui s’insèrent entre la mélodie, les mots, les gestes, et les silences… Écouter et noter ce qui nous attire, nous surprend, nous questionne, signifie une qualité de présence, essentielle dans l’apprentissage du récitatif. À mesure que j’apprends de nouveaux récitatifs, je crois en l’importance de cette écoute. L’apprentissage du récitatif biblique cultive l’écoute et l’attention.
Les gestes, la danse de Dieu
Vient la gestuelle où mon corps se met à prier avec les mains, les bras, et tout le corps. Tous ces gestes qui ont été créés sont empreints de sens bien précis. Par exemple, celui qui évoque Dieu, dans le Notre Père : les deux bras levés et les paumes tournées vers l’extérieur. Une façon naturelle de parler au Père, non? Il est grand, et je tends les bras vers Lui… Les paumes de la main tournées vers l’extérieur signifient tout autre chose lorsqu’elles sont tournées vers l’intérieur. J’apprends que la paume des mains nous révèle, révèle notre intimité. Le récitatif m’apprend cela. Il m’apprend qu’en serrant la main, je me révèle, qu’en caressant une épaule, je donne un peu de moi-même. Avec les gestes du récitatif, j’apprends à remplir de sens les paroles et les gestes de mon quotidien.
Harmonie des gestes et de la mélodie
Voici un exemple bien précis de ce que le récitatif apporte dans ma vie. Notre dernière rencontre portait sur les versets 13 et 14 dans Jérémie, chapitre 29.
« Quand vous me chercherez,
vous me trouverez
car vous me chercherez
de tout votre cœur
et je me laisserai trouver par vous
dit le Seigneur. [1] »
Le premier geste qui démontre qu’on cherche à gauche et à droite sans trouver est tellement évocateur. Dans ma vie chargée d’évènements, de rencontres, de rendez-vous, de lectures entamées, de visites promises, je cherche Dieu afin qu’il me guide. Parfois, je cherche au-dehors et me perds, alors qu’il est là, dans mon cœur, à m’attendre.
Il se laisse trouver par moi, si je m’arrête un moment et que je fais silence. Le geste de se laisser trouver, consiste à décrire un petit geste doux et enveloppant avec les deux mains au niveau de l’abdomen, autour de mon sanctuaire intérieur. Combien de fois dans une journée n’avons-nous pas à parler au Seigneur, à lui demander de nous guider dans nos choix?
La mélodie de ce récitatif, en particulier, est apaisante comme une berceuse. Elle incite même au bercement. Je ne peux pas passer le bercement sous silence, car celui-ci est primordial dans le coffre à outils du récitant. Se bercer, se bercer, toujours se bercer… ou se laisser bercer… Quoi de plus naturel et fondamental?
Un récitatif pour chaque état d’âme
Il y a des récitatifs créés pour exprimer tous les états d’âme qui jalonnent le parcours de nos vies, que ce soit l’angoisse, le désespoir, la louange, l’allégresse… Miraculeusement, des bouts de récitatifs surgissent d’eux-mêmes sans qu’on y pense, au moment opportun. Je me mets souvent à fredonner un verset dans ma voiture, en regardant ma petite fille danser, en brodant, en prenant un repas en famille, en visitant une personne malade… Parfois découragée par les affres des guerres, la détérioration du climat, certains récitatifs consolent. « Va vers toi [2] », me dit le Seigneur, va vers ce qui est profond et indélébile en toi. « Seigneur, écoute ma voix … que tes oreilles soient attentives à la voix de mes supplications! [3] »
Les psaumes, une découverte
Dérivé du grec, le mot « psaume » désigne un poème destiné à être psalmodié, donc chanté et accompagné de musique. Le récitatif m’a fait découvrir la beauté des psaumes.
Quelle joie que de proclamer le psaume 8 en pleine nature, comme nous l’avons fait à Nicolet au bout du long trottoir de bois menant au fleuve, en pleine nature, au creux de « l’ouvrage de tes mains [4]»!
Et que dire du psaume 138, psalmodié au bord du lac, l’été dernier, en compagnie d’amies récitantes! « Je te célèbre de tout mon cœur, Dieu en ta présence, Je psalmodie pour toi, vers ton temple sacré, je me prosterne! [5] »
Voilà ce que représente le récitatif pour moi, chère amie. Il est un art que je pratique, qui enrichit ma vie d’artiste, qui la comble de sens et de beauté.
Adèle Gauthier est récitante et membre de l’Association canadienne du récitatif biblique.
[1]Traduction de Louise Bisson, 2012.
[2]
Gn 12,1, traduction de Louise Bisson, 2006.
[3]
Ps 130 (129), traduction de Louise Bisson, 2007.
[4]
Ps 8,4 traduction d’Évode Beaucamp, 1978.
[5]
Ps 138 (137), 1-2a, traduction d’Hélène Pinard, 2022.