Annonciation. Arcabas. Église Saint-Hugues de Chartreuse, Isère (Pinterest).

Un oui qui change tout

Jeanine Deshaies RoySylvie Gagné | 28 décembre 2020

Lire Luc 1, 26-38

En ce temps d’Avent et de Noël, j’ai eu envie de méditer davantage le récit de l’Annonce à Marie, méditer cette annonciation unique qui a eu des répercussions sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Dans cette péricope, il est question d’une jeune Juive, au cœur d’une petite bourgade, priant les Psaumes et attendant le Messie avec son peuple. Celui-ci est plongée dans un univers de répression et de pauvreté. Du jour au lendemain, la vie de cette jeune fille bascule : « L’ange Gabriel fut envoyé de la part de Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth, à une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph de la maison de David, et le nom de la vierge était Marie [1] » (v. 26-27). À noter que dans ces deux versets, le mot « nom » apparait trois fois et que sept noms de personnes ou de lieux différents apparaissent. C’est dire toute l’importance du nom dans ce récit d’annonciation.

Quand on apprend le récitatif biblique de ce récit, on s’aperçoit que le geste pour nommer quelqu’un ou quelque chose revient souvent. Un minimum de recherche biblique peut faire réaliser l’importance des noms dans la Bible. « Le nom dit la personne en sa profondeur (….) Connaître le nom de quelqu’un, c’est avoir accès au mystère de son être [2]. » Le nom désigne souvent la mission de la personne, son histoire et les changements vécus.

En récitatif, le geste utilisé pour proclamer le nom d’une personne en particulier est celui de la main qui présente la paume ouverte devant soi le bras légèrement plié. La main se trouve à la hauteur de l’épaule. La simplicité du geste peut étonner, surtout lorsqu’il est utilisé à nouveau avec l’expression  « Comblée-de-grâce » (v. 28). Par la reprise du geste, on reconnaît en Marie cette qualité « comblée de grâce » qui fait partie de son nom, de son identité, de sa personne. En faisant ce geste, je ressens toute l’humilité, la simplicité et l’intimité de la rencontre entre Marie et l’ange Gabriel, surtout qu’il est précédé d’un large et généreux geste pour « Réjouis-toi »!

La Parole qui s’incarne

Au verset 28, un dialogue s’entame entre l’ange, messager de Dieu, et Marie : « Réjouis-toi, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi! » À cette parole elle fut très troublée et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation. Mais l’ange lui dit : « Ne crains pas Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ; et voici que tu concevras dans ton sein et tu enfanteras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus; celui-ci sera grand et sera appelé Fils de Dieu. » (v. 28-32a)

Cette rencontre est absolument vertigineuse. Elle constitue une véritable révolution de l’amour, un acte incroyablement fou de la part de Dieu. Dieu a tant aimé le monde qu’il a voulu donner un corps à cet amour, une place sur notre terre, une incarnation. D’ailleurs nous retrouvons cette illustration dans le chant « Venez Divin Messie » dans sa version moderne : « Par votre Corps donnez la joie à notre monde en désarroi [3] ».

Comme pour démontrer encore davantage la beauté de la Parole et de l’Amour qui s’incarnent, un jeune futur papa a déjà dit cette phrase sublime : « Tu sais, au fond, pour nous deux (sa conjointe et lui), c’était « normal » que ça arrive. Tous les deux, nous avons reçu tellement d’amour de chacune de nos familles, et nous avons tellement d’amour en nous et l’un pour l’autre, que la seule chose qui pouvait arriver, c’est que cet amour devienne une vie… »

Le pape François à son tour, dans son exhortation apostolique La joie de l’Évangile, dira que « la mémoire du peuple fidèle, comme celle de Marie, doit rester débordante des merveilles de Dieu. Son cœur, ouvert à l’espérance d’une pratique joyeuse et possible de l’amour qui lui a été annoncé, sent que chaque parole de l’Écriture est avant tout un don, avant d’être une exigence [4] ».

Le dialogue se poursuit. Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme? ». Et l’ange lui dit : « L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. » (v. 34-35)

« Couvrir de son ombre », une autre belle expression biblique! L’ombre revêt ici un sens englobant et non pas ténébreux. « Celui qui demeure sous l’abri du Très Haut repose à l’ombre du Tout Puissant. » (Psaume 91,1)  L’ombre, dans ce verset, « symbolise la présence de Dieu et de sa puissance, par mode de protection [5]. » Le geste en récitatif biblique, porteur de sens, évoque toute l’ampleur de l’embrassade de Dieu. Dans ce geste, la main droite part de très haut, à droite descend en oblique vers la gauche (« la Puissance du Très-Haut ») puis poursuit la descente de gauche à droite en oblique (« te couvrira de son ombre »).

Le récit se termine : « Or Marie dit : « Voici la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta Parole. » (v. 38)  « C’est l’humilité du cœur qui reconnaît que la Parole nous transcende toujours, que nous n’en sommes « ni les maîtres, ni les propriétaires, mais les dépositaires, les hérauts, les serviteurs [6]. »

Force est de constater que ce récit d’annonciation à Marie déborde de densité spirituelle et théologique. Encore aujourd’hui, l’Esprit Saint nous « couvre de son ombre » pour nous aider à avancer sur le chemin de l’amour. Marie, comblée-de-grâce, a ouvert à jamais l’histoire humaine à l’Amour infini. Puissent nos cœurs toujours s’émerveiller de ce salut gratuit issu du « oui » de cette jeune fille de Nazareth à l’amour du Père.

Sylvie Gagné est agente de pastorale au diocèse de Nicolet et transmetteure à l’ACRB.

[1] Le texte de Luc 1, 28-32.34 -35.38 provient de la version du Récitatif biblique créé par Louise Bisson.
[2] Xavier-Léon Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, 1996, p. 397.
[3] Texte révisé par Père Aimon-Marie Roguet, dominicain, et Père Louis Barjon, jésuite. (Wikipedia)  

[4] Pape François, La joie de l’Évangile, 2013, par. 142.
[5] Xavier-Léon Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, p. 404.
[6] Pape François, La joie de l’Évangile, 2013, par. 146.

Jousse

Récitatif biblique

L'Association canadienne du récitatif biblique propose une chronique mensuelle pour comprendre la discipline spirituelle qui rassemble ses membres. Axée sur la Parole et sur son effet sur l'ensemble de la personne, le récitatif biblique est une forme de méditation où tous les sens sont sollicités.