Le serpent
en Orient et dans la Bible
En 2001, lOrient célébrait avec faste
le nouvel an lunaire : la nouvelle année était placée
sous le signe du serpent. Les diseurs de bonne aventure étaient
fort occupés dans les villes orientales par une foule de curieux
désirant savoir ce que lannée du serpent leur réserverait.
Alors quen Occident, il est courant de parler des serpents de lenvie
et de la calomnie, voire de langues de vipère, en Orient le serpent
est un reptile plus bénéfique. Son venin fait même
partie de certaines préparations pharmaceutiques. La pharmacie
de Saint-Sauveur possède un vase, sur lequel figure linscription
Theriaca, destiné à recueillir le venin dune
vipère de Palestine. Cependant tous les serpents ne sont pas venimeux.
Aux Philippines, sur 135 espèces connues, seuls six serpents sont
venimeux.
Animal sacré
en Orient
En Orient, le serpent vit en contact avec
le monde divin. Il est associé à la vie et à la sagesse.
Il est la créature la plus rusée, capable de vivre entre
les rochers, de grimper le long des murs et de vivre en contact avec les
forces mystérieuses de la terre. En desquamant au printemps il
semble acquérir une vie nouvelle. Une légende chinoise veut
quun serpent blanc ait pris une forme féminine, quait
épousé un homme et lui ait enfanté un fils qui devint
un grand sage. Ce dernier dut révérer sa mère, le
serpent. Dans la légende de Gilgamesh, héros assyrien dont
la quête de limmortalité est célèbre,
cest le serpent qui vole la plante de vie et qui rajeunit.
En Égypte,
en Grèce et au Proche-Orient
Pharaon, le souverain dÉgypte,
portait luraeus sur sa tiare. Ce petit serpent était considéré
comme symbole de la royauté. Dans la mythologie grecque, le serpent
était un attribut des Furies qui tourmentaient les méchants.
Cependant Asclépios, le dieu de la médecine, est souvent
représenté avec un serpent dont le venin peut devenir un
médicament. Mercure, le messager des dieux, est connu avec son
caducée, entrelacé de deux serpents, qui est devenu un symbole
de paix. Le culte du serpent était répandu dans tout le
Proche-Orient.
Dans
la Bible
Le serpent
dairain
Simon Vouet
Huile sur toile, 283 x 629 cm
Musée des Beaux-Arts de Toulouse
La Bible latteste au livre des Nombres
(21,4-9).
Même Israël lavait accepté : le serpent dairain
avait été introduit dans le Temple de Jérusalem où
les israélites lui offraient des sacrifices jusquà
la réforme dEzéchias (2
R 18,4). Dans le récit biblique de la tentation dAdam
et dÈve, le serpent promet la vie : « Vous
ne mourrez pas » et vous acquerrez une connaissance supérieure
qui est celle des dieux (Gn 3,5). Il est rusé (aroum). Le
terme aroum est usité fréquemment au livre des Proverbes
pour qualifier le sage (Pr
12,16; 13,16).
Lépisode du serpent dairain
élevé par Moïse au désert lorsque des serpents
avaient attaqué les israélites est approfondi dans le livre
de la Sagesse (16,5-11).
Le serpent dairain est défini comme signe de salut. Cependant
la littérature synagogale précise que ce nétait
pas le serpent qui guérissait, mais la foi de celui qui levait
les yeux vers le Père céleste. Jean dans son Évangile
mettra en parallèle le serpent dairain et lélévation
de Jésus en croix. « Comme Moïse éleva le
serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé
le Fils de lHomme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. »
(3,14-15) Au mont Nébo, une représentation monumentale du
serpent dairain permet aux pèlerins dévoquer
cette page biblique.
Le récit de la chute dAdam et dÈve
souvre par une mention du serpent qui engage le dialogue. Sa question
amène la femme à préciser linterdiction divine
dont le serpent conteste le bien-fondé. On retrouve ici le thème
de la jalousie des dieux. Lauteur de Gn
3 lutte ainsi contre les cultes cananéens de la fécondité
et sen prend à une sagesse humaniste qui était prisée
à la cour de Salomon.
Symbole ambivalent
Le serpent devient un symbole ambivalent.
Il peut être un animal sauveur, mais aussi une bête maudite.
Symbole de la ruse et de la guérison, il peut aussi se révéler
comme adversaire de lhomme. Entre le serpent et la femme, les rapports
sont ceux de lhostilité depuis la chute. Cette inimitié,
le Seigneur la récapitulée en lui-même en se
faisant homme né de la femme et en foulant aux pieds la tête
du serpent. Lauteur du livre de la Sagesse identifie le serpent
avec le diable; le livre de lApocalypse de Jean (12,9)
nhésite pas à reprendre cette identification. Cette
valence négative sest imposée en Occident qui en est
venu à oublier la signification positive du serpent.
Parmi les sectes gnostiques, Irénée
de Lyon mentionne les Ophites : « Certains disent que
cest la Sagesse elle-même qui fut le serpent : cest
pour cette raison que celui-ci sest dressé contre lAuteur
dAdam et a donné aux hommes la gnose ; cest aussi
pour cela quil est dit que le serpent est le plus rusé de
toutes les créatures. Il nest pas jusquà la
place de nos intestins, à travers lesquels sachemine la nourriture,
et jusquà leur configuration, qui ne ferait voir, cachée
en nous, la substance génératrice de vie à forme
de serpent. » (Adv. Haer. 1,30,15)
Lannée du serpent devrait
être celle de la sagesse et du respect de la vie. Elle devrait apporter
la guérison à tous ceux qui ont été blessés
par la vie ou par la violence des hommes. Enfin elle devrait rapprocher
lOccident et lOrient dans leur quête de sagesse. Ce
nest pas la science qui rapprochera les hommes, seule la sagesse
leur permettra de se rappeler leur condition de créatures.
Source : La Terre Sainte septembre-octobre 2001,
pp. 278-280.
Lire
aussi :
Le serpent
d'Airain
Le serpent
de la Genèse et sa symbolique
Chronique
précédente :
Le poisson, un symbole majeur du christianisme
primitif
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