chronique du 27 avril 2007 |
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Le symbole de l’obscuritéY a-t-il, bibliquement parlant, une différence entre les expressions « la ténèbre » et « les ténèbres ». Je pense que pour entrer dans le véritable symbole de l'obscurité, on devrait utiliser l’expression la plus forte : « les ténèbres ». Qu’en dites-vous? (Fred) Nous voyons qu’au singulier, « la ténèbre », n’apparaît que dans l’Ancien Testament et plus régulièrement dans le livre de la Genèse. Dans le premier récit de création (comme dans Lm 3, 2), elle fait partie intégrante du chaos initial, préexistante au geste de création de Dieu. Lorsque Dieu la nomme au singulier, il personnifie cette dimension particulière du chaos qui lui sera désormais subordonnée. En la séparant de la lumière, Il ne l’abolit pas, mais lui donne sa place dans le cosmos. En Gn 15,12, elle tombe sur Abraham à un moment crucial de son histoire, au moment où Dieu prend l’initiative de sceller une alliance avec lui. Liée à la « torpeur » elle représente symboliquement la crainte de Dieu. Dans Job, « la ténèbre » représente l’obscurité profonde du monde de la mort. Elle désigne poétiquement le Shéol, là où toute vie est absente. Le mot « ténèbre » au singulier ne désigne donc pas seulement « l’obscurité » au sens d’une absence de lumière. Il désigne aussi le chaos, la crainte, la mort. Il représente donc aussi symboliquement tout ce qui peut menacer la vie ou traduire sa perte. Le mot « ténèbre » au pluriel peut aussi désigner le chaos (Is 45,7) et la mort (1 S 2, 9) comme il peut également décrire l’obscurité, la nuit, l’absence de lumière causée par d’épais nuages (Ex 10,21; Ps 18,12), ou le moment du jour choisi par les méchants pour exercer leurs méfaits (Jb 24,16) ou encore l’adversité (Is 58,10) ou ce qui est caché (Ps 139,12). Il peut aussi traduire l’aveuglement spirituel (Dt 28,29; Jb 12, 25) ou référer à l’expérience traumatisante de la captivité (Is 8, 22; 42, 7; 49,9). Il peut finalement décrire le jour où Dieu jugera toute la terre : le « Jour de Yahvé » (Am 5,18; Jl 3,4; So 1,15). Les ténèbres au pluriel désignent donc, globalement, la sphère du péché ou du mal expérimentée anthropologiquement de différentes façons, sphère connue de Dieu (Dn 2, 22) et qu’Il peut pénétrer et illuminer (2 S 22, 19). Le Nouveau Testament reprend les différents sens du mot « ténèbre » contenus dans la tradition vétéro-testamentaire, mais les Évangiles synoptiques font ressortir plus particulièrement, au moment de la mort de Jésus, sa dimension prophétique. Les « ténèbres » recouvrent alors toute la terre de la sixième à la neuvième heure (Mc 15, 33; cf. Mt 27,45; Lc 23,44). Comme au Jour de Yahvé, cette mort a, dans ces Évangiles, des répercutions cosmiques. Dans l’Évangile de Jean, les « ténèbres » jouent un rôle particulier, car elles sont un élément important de la christologie johannique. Elles permettent de comprendre, par contraste, l’identité profonde de Jésus où Il se révèle, à la fête des Tentes, fête où le parvis des femmes était, pendant toute la semaine, illuminé, fête automnale qui rappelle les événements de l’Exode, la « Lumière du monde » (Jn 8,12). Qu’elles se disent au singulier ou au pluriel, les « ténèbres » font parti de la vie. Elles précèdent souvent la lumière. Lorsqu’elles la suivent, elles deviennent signe de châtiment ou de jugement divin. Lire aussi : Chronique précédente : |
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