chronique du 18 mars 2005 | |||||
Le passage
de la mer Rouge : Voudriez-vous
s'il vous plaît m'expliquer le « passage de la mer Morte »?
De plus en plus il est question d'un phénomène naturel.
Alors, pourquoi le Peuple de Dieu a-t-il réussi à passer
et les Égyptiens ont tous été noyés? Dans
l'épouvantable catastrophe vécue tout dernièrement
par l'Asie, comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu un tri de ce genre-là?
C'est un peu désolant de tout interpréter d'une façon
nouvelle ce que nous avons appris dans notre enfance. Pas étonnant
que beaucoup de gens ne pratiquent plus. Ils disent : « On nous
a raconté que des sornettes. » Moi, je pratique toujours
et très régulièrement, mais j'avoue que je ne sais
quoi répondre à ceux qui me posent des questions sur les
faits dont on parle et qui abolissent tout ce à quoi nous avons
cru. Photo-satellite de la mer Rouge Voilà une question qui suscite beaucoup de commentaires. Premièrement, je suppose que vous voulez parler du passage de la mer Rouge, tel que raconté dans le livre de l'Exode au chapitre 14. Il n'y a aucun texte biblique qui parle d'une traversée de la mer Morte... La deuxième partie de la question touche les récits de miracles, la troisième touche d'éventuels « changements » dans l'interprétation, changements qui seraient la cause du déclin de la foi. L'ensemble de la question touche ni plus ni moins que l'interprétation biblique en Église. Je commencerai par la fin de la question, c'est-à-dire les soi-disant changements. Je suppose que toute personne qui a atteint un certain âge et qui regarde en arrière admet facilement que ses idées sur bien des choses, que ses opinions, que ses façons de voir ont changé. Quand on était enfant, puis adolescent, puis jeune adulte, on ne voyait pas les choses de la même façon, ni avec les mêmes intérêts, ni pour les même motifs. Faire dépendre un éventuel équilibre humain ou la cohérence d'une personne du fait que sa pensée est sans changement est une erreur. Tout auteur, tout compositeur, tout artiste, tout penseur pourra le confirmer. Une personne qui exige qu'on dise à l'adulte ce que l'enfant croyait me semble problématique... On explique bien des choses aux enfants à l'aide du père Noël, de la cigogne, etc. Bien des enfants en ont voulu à leurs parents de leur avoir menti au sujet de la vérité sur certains aspects délicats de la vie. Je n'en ai encore jamais connu aucun qui aurait accusé ses parents d'avoir détruit ses mythes d'enfants au nom d'une soi-disant cohérence de pensée. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent pour les interprétations religieuses. Ce qui fait que la Bible est la Bible, c'est qu'elle a toujours été interprétée, adaptée, actualisée pour chaque génération de croyants. Sans le phénomène de relecture ou d'application à des réalités diverses et à des époques diverses, la lettre seule tue et la Bible n'a plus rien de pertinent à dire. I l serait anormal et malsain pour la foi chrétienne de répéter inlassablement les mêmes interprétations ou les mêmes conceptions au cours des siècles. Évidemment, les interprétations bibliques se font dans le cadre de la foi catholique et en communion avec l'Église et son magistère, mais cela ne suppose pas une répétition mot à mot des mêmes idées. Autrement, les exégètes, les théologiens, les catéchistes et les prédicateurs perdraient leur fonction! Plus précisément, nos ancêtres avaient tendance à interpréter la Bible de façon littérale, c'est-à-dire de penser que tous les récits racontés s'étaient passés comme tels. La critique biblique à partir de la fin du XIXe siècle s'est bien rendue compte, surtout en trouvant des textes parallèles dans d'autres littératures des peuples voisins, qu'il y avait différents genres littéraires dans la Bible. Tout lecteur francophone sait faire la différence entre un article de journal, un roman et une fable de Lafontaine. Pourquoi la Bible ne contiendrait-elle que des articles de journaux? Tout le monde admet, par exemple, que le livre de Jonas est une parabole. Cela nous délivre des pirouettes intellectuelles des générations précédentes pour trouver quel gros poisson peut engloutir un homme et le garder en vie pendant trois jours, ou comment un arbre peut pousser en une seule nuit. Cela permet surtout de chercher où est le message de l'auteur. C'est le même processus en ce qui concerne les récits de miracle ou tout ce qui touche au merveilleux ou au surnaturel. Les Occidentaux du XXIe siècle sont obsédés par l'historique, entendu à leur façon cependant... Pour eux, si un récit ne s'est pas passé comme il est écrit, il y a fraude, il y a mensonge, il y a malhonnêteté. Les anciens étaient beaucoup plus libres par rapport à cette « vérité » historique. Pour eux, l'essentiel était le message à transmettre, et ils n'hésitaient pas à « broder » sur le fait historique. C'est ce qui serait arrivé pour le texte d'Ex 14 racontant le passage de la mer Rouge. Si on lit bien le texte dans sa forme actuelle, on constate que deux récits ont été fusionnés. Un premier raconte sobrement que le vent d'est a soufflé toute la nuit et qu'il a asséché la mer (Ex 14,21). Un second parle de la fameuse muraille à droite et à gauche alors que le peuple traversait à pied sec (Ex 14,22). On croit généralement que le premier récit est plus ancien que le second, qui en remettrait pour exalter la puissance de Dieu. Que s'est-il passé véritablement? Nul ne le sait ni ne le saura jamais. En fin de compte, est-ce que c'est si important que ça? Je crois qu'il serait difficile de croire qu'il ne s'est rien passé sur le bord de la mer Rouge ce jour-là, mais qu'il serait imprudent de trop vouloir préciser quoi. Le texte biblique veut nous dire que Dieu a sauvé son peuple de l'esclavage et qu'il est intervenu alors qu'il n'y avait plus d'espoir. La partie de la question sur les derniers tsunami d'Asie du sud-est me paraît incroyable. Comment imaginer d'abord que Dieu ait quelque chose a voir dans un phénomène naturel qui a tué des milliers de gens? Les lois de la physique sont posés dès le début du monde et Dieu ne s'amusera certainement pas à les changer. Penser qu'un tri aurait pu se faire suggère que certaines personnes auraient « mérité » de quelque façon de périr noyées, alors que les autres non. Ce vieux principe de la rétribution personnelle n'est pas chrétien. Hervé Tremblay, OP Article précédent
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